juil - 2011 09

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Grand plaisir de publier un texte original de Claude Champagne,  écrivain jeunesse et ami des bibliothèques.  Il a accepté de se joindre à nous sur le thème du déménagement et des Cartons, comme dans cartons de déménagement.

Frigo, limbo, cha-cha. Souvenir d’enfance : une boîte chasse l’autre.

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Petit texte sans prétention pour les bibliothèques de Montréal sur le thème de cartons, comme dans cartons de déménagement.

Cartons

Début des années 70, ma mère, reine du foyer, une espèce aujourd’hui en voie de disparition, réclamait un nouveau couple. C’était sans doute sa façon à elle d’être dans l’air du temps. Mais chez nous, on ne brisait pas un ménage. On achetait des électroménagers.

Le vert caca d’oie n’était plus à la mode. Le jaune cirrhose cadrait mieux dans le nouveau décor de la cuisine. La tapisserie avait été changée. Il y avait maintenant des fleurs brunes et oranges pour égayer nos repas.

Ce jour-là, nous attendions le nouveau réfrigérateur. Je regrettais déjà l’ancien devant lequel j’avais appris à danser le cha-cha-cha. Ma mère avait suivi des cours de danse sociale. Mon père, comme les vrais durs, ne dansait pas. J’étais donc le partenaire avec qui elle se pratiquait. Je crois même que j’étais doué. Ma mère tenait le manche à balai tandis que je battais des records de souplesse au limbo.

Quand les livreurs sont partis, tout ce qui restait c’était une énorme boîte de carton. J’ai supplié pour qu’on ne la jette pas. Avec des ciseaux et des crayons-feutres, la boîte est devenue une fusée spatiale, en plein milieu de la cuisine. Elle est demeurée là durant des jours, jusqu’à ce que les extraterrestres exigent son départ à leur gouvernement. Mon frère et ma sœur, respectivement âgés de neuf et dix ans de plus que moi, étaient des étrangers de l’enfance. Faisant fi de ma présence dans mon vaisseau, j’ai assisté aux pourparlers. Il fut rapidement déclaré que l’engin devait déménager dans le sous-sol de la planète : le garage.

Ce soir-là, j’ai amené mon oreiller et une couverture, en plus d’une boite de biscuits, décidé à dormir, voire à vivre dorénavant dans ma fusée. Je n’étais pas n’importe quel explorateur stellaire. J’avais des pouvoirs. C’est ainsi que pour braver la nuit noire, j’ai fait briller de tous ses feux l’astre aux filaments de tungstène suspendu au plafond.

J’étais bien dans ma boîte. L’univers me paraissait moins grand. Je me sentais à l’abri. Jusqu’à ce que je songe que des rats mutants pouvaient sortir du puisard protégé par un simple couvercle en métal. Il n’y a pas de honte à reconnaître ses limites. Enfin, tant qu’on n’en parle à personne. Je suis retourné dans mon lit.

Le lendemain, mon père voulait garer son auto dans le garage. Exit ma fusée. Qu’à cela ne tienne, j’allais la transformer en voiture de course, sur le trottoir. J’ai percé une ouverture, puis découpé des roues et un volant avec ce qui restait de carton. Mon bolide était splendide. J’avais passé la moitié de la journée à le décorer avec des crayons de cire. Ma carrière de pilote promettait. Malgré mon jeune âge et mon inexpérience, j’avais réussi à faire ma marque sur les circuits du monde entier. Les filles me tombaient dans les bras.

Le soir, alors qu’une voix lointaine m’ordonnait des choses qui me rentraient par une oreille et me sortaient par l’autre, j’ai entendu un bruit familier provenant de la rue. Mon cœur se serra. Il n’était peut-être pas trop tard. Je me suis précipité sur le balcon. Mais les éboueurs avaient déjà balancé ma voiture dans leur camion. Quand je vins pour ouvrir la bouche, pour leur crier qu’ils ne pouvaient pas faire ça, de me rendre mon auto, l’un d’eux actionna un levier. La benne tasseuse écrasait mes rêves.

Tout espoir n’était cependant pas perdu.

Nous allions changer la table et les chaises de la cuisine. Cinq boîtes de carton.

Claude Champagne

avr - 2011 18

Couverture du livre Le violoncelliste de Sarajevo, de Steven Galloway

Le jury du Club des Irrésistibles a dévoilé son prix littéraire 2011 à la bibliothèque Robert-Bourassa de l’arrondissement Outremont, ce lundi 18 avril.

Des cinq oeuvres en lice, c’est Le violoncelliste de Sarajevo de Steven Galloway qui remporte la palme.

Laissons la parole à un des membres du Club qui a bien résumé l’esprit et la force de l’oeuvre en question dans le commentaire qu’il publiait sur le blogue des Irrésistibles en juillet 2010.

Un livre de mémoire. Un livre magnifique malgré l’horreur de l’histoire. Malheureusement, elle est vraie. Galloway nous raconte le quotidien de trois personnages dans la ville assiégée de Sarajevo : Dragan, celui qui cherche le pain ; Keanan qui cherche l’eau ; Flèche, la sniper, qui cherche ses cibles. Et puis, bien sûr, il y a le violoncelliste. Même si ces personnages vivent l’horreur, ça ne les empêche pas de penser, d’aimer, de vivre d’espoir. Mais il y a aussi les peurs, les lâchetés, les culs-de-sac de la vie. Et la mort omniprésente à chaque seconde. En lisant ce livre, je me disais : « Et si Montréal devenait un jour ce Sarajevo ? Serions-nous différents de ces personnages ? » J’en doute. Ce roman n’est pas sans nous rappeler le magnifique film de Roman Polanski, Le Pianiste.

Le Club des Irrésistibles a vu le jour en mai 2007 sous l’impulsion de l’infatigable et sympathique Marie-Anne Poggi, animatrice culturelle à la bibliothèque Robert-Bourassa. Marie-Anne anime 19 clubs de lecture dans 10 bibliothèques différentes de la grande région métropolitaine de Montréal.

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jan - 2011 22

Une constante, un peu partout en Occident, on constate une diminution assez marquée du prêt dans les bibliothèques publiques. Les Bibliothèques publiques de Montréal semblent résister à cette vague de fond. Le prêt de documents n’a de cesse d’augmenter depuis les 4 dernières années : variation de 20,9 % entre 2006 et 2009.

Cette augmentation est principalement attribuable aux différentes mesures que nous avons prises dans le cadre de notre plan de consolidation du réseau : bonification importante des heures d’ouverture, personnel supplémentaire pour la médiation, instauration de la réservation en ligne avec livraison des documents dans la bibliothèque de son choix, augmentation des activités d’animation et de médiation en bibliothèque et sur le Web, offre numérique variée, utilisation des médias sociaux pour la promotion de nos services, etc.

Nous sommes toutefois convaincus que nous pouvons offrir un meilleur service à la population en harmonisant l’ensemble de nos politiques d’emprunt de document. Nous recevons de plus en plus de doléances des citoyens qui ne comprennent pas pourquoi on peut réserver un film ou un manga dans une bibliothèque alors que c’est impossible dans une autre. Pourquoi la durée de prêt d’un DVD varie d’une bibliothèque à l’autre? Pis encore, pourquoi la réservation d’un document est-elle officiellement permise dans une bibliothèque et dans les faits, pas honorée?

Souci de mieux servir sa clientèle locale? Au contraire, nous pensons que les usagers de proximité seront mieux servis en pouvant se prévaloir de l’ensemble de l’offre documentaire présente dans les 43 bibliothèques du réseau montréalais.

Cette problématique avait été largement commentée dans un billet produit par Nicole St-Vincent le 3 avril 2009 :  Retomber sur terre.  Nous relançons le débat.  Réflexion et action.

Nos politiques de prêt : un véritable embrouillamini!

La durée de prêt des monographies imprimées est uniforme dans l’ensemble du réseau : 21 jours. Elle varie toutefois pour les documents suivants :

  • Disques compacts, DVD et vidéo-cassettes : de 7 à 21 jours selon les bibliothèques.
  • Cours de langue : de 7 à 42 jours selon les bibliothèques

En matière de renouvellement de prêts, les disparités sont aussi fort marquées :

  • Monographies imprimées : de 1 à 15 renouvellements permis selon les bibliothèques;
  • Pour tous les autres types de documents : entre 0 et 15 renouvellements permis selon les bibliothèques.

On comprendra qu’un usager fréquentant plus d’une bibliothèque finit par y perdre son latin et encore plus s’il utilise le service de réservation en ligne avec livraison dans sa bibliothèque d’appartenance.

La table de concertation des bibliothèques a donc décidé d’harmoniser ses paramètres de prêt à l’ensemble des bibliothèques du réseau. Cette mesure devrait être effective au début du mois de mars 2011.

Les règles de prêt retenues sont les suivantes :

Durée de prêt :

  • Monographies imprimées : 21 jours
  • Disques compacts, cassettes, coffret de DVD et cours de langue : 21 jours
  • DVD unique et vidéo-cassettes : 7 jours

Renouvellement :

  • Tous les documents (y compris les nouveautés) pourront être renouvelés 3 fois.

Réservations des documents : recommandation à venir

Le comité d’harmonisation des systèmes analysera prochainement la problématique de la réservation des documents. Elle soumettra une recommandation à la table de concertation des Bibliothèques publiques de Montréal qui se tiendra en février

Si l’on se fie aux nombreux commentaires reçus des citoyens, notre service de réservations est très appréciée.

Le nombre de réservations réseau permises a été fixé à 40 et semble faire le bonheur des citoyens.

Toutefois, les réservations sur les DVD et les disques compacts sont refusées dans les bibliothèques de 5 arrondissements, alors que les citoyens de ces mêmes arrondissements peuvent réserver ces documents dans les bibliothèques des autres arrondissements.  Problème d’équité?

Quelques bibliothèques ont également soustrait à l’offre de réservation des collections telles les mangas, les cours de langue, les livres parlants et les CD-ROM.

Cette situation pose de nombreux problèmes. Pour donner un exemple, un usager qui réserve un film sur DVD et qui consulte le catalogue Nelligan a donc la désagréable surprise de voir des exemplaires disponibles alors qu’il attend sa réservation depuis plusieurs jours, voire plusieurs semaines pour les titres très en demande.

Cohérence?

Bon service?

Équité?

La recommandation de la division de la planification et du développement du réseau :

Tous les documents sont éligibles à la réservation par tous les  abonnés  montréalais, peu importe leur lieu de résidence (arrondissement).

Qu’en pensez-vous?

Donnez votre avis au comité d’harmonisation des systèmes!

Luc Jodoin et Miguelle Dubé

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sept - 2010 28

Photo de Clément Laberge

Dans le cadre des Journées de la culture, nous avons accueilli Clément Laberge sur le site web des Bibliothèques publiques de Montréal pour une session de clavardage autour des enjeux entourant le numérique.

Clément Laberge est  membre du Conseil consultatif de la lecture et du livre et vice-président,  services d’édition numérique chez De Marque

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Je vous présente un petit découpage  du verbatim de la séance de clavardage. Les puristes trouveront la version complète ici.  J’ai ajouté des intertitres et éradiqué une ou deux coquilles :)

Un beau témoignage! Une belle rencontre!

Une première retombée de la séance : un écrivain jeunesse québécois a créé sa page Auteur sur Facebook pour mieux interagir avec ses lecteurs.  Trouvez-le! ;)

Les enjeux culturels entourant le numérique

Clément Laberge : Bonjour

Babel : Bonjour
- Je suis bibliothécaire et m’intéresse aux enjeux entourant le numérique. Vous semblez en faire un enjeu pour la culture au Québec. Comment?

Clément Laberge : Bien sûr!
Sous bien des aspects c’est un enjeu pour la culture québécoise. D’abord parce que l’environnement dans lequel les gens lisent a changé. Le bouche à oreille essentiel à la culture se passe de plus en plus sur le Web, autour de celui-ci. Qu’on diffuse les oeuvres littéraires sur papier ou sur écran, il faut les inscrire dans un environnement culturel de plus en plus numérique,  comprendre comment les gens découvrent des oeuvres, en parlent entre eux, les commentent, les achètent.
Il y a aussi le fait que les auteurs écrivent aussi de plus en plus dans un environnement numérique — ils ont accès à des informations, des références, des outils bien différents d’auparavant. Ils ont un contact différents avec les lecteurs aussi. L’écriture est modifiée par le numérique. Les modes de diffusion des oeuvres sont également modifiés. On peut penser donner accès aux oeuvres québécoises partout dans le monde bien plus facilement qu’auparavant. Il faut saisir cette occasion pour s’ouvrir au monde encore plus, métisser notre imaginaire avec celui d’autres territoires.  C’est passionnant tout ça. Un très grand chantier.

Babel : Cet éclatement des modes de diffusion ne rend-t-elle pas les acteurs traditionnels un peu frileux

Clément Laberge : Je ne pense pas que c’est de cette façon qu’il faut interpréter les choses. Dans tout changement il y a ceux et celles qui choisissent d’agir en éclaireur et ceux qui préfèrent suivre la voie indiquée par ces pionniers. Il me semble normal que « les acteurs traditionnels » ne soient pas les plus portés sur l’expérimentation. Il y a les « nouveaux types d’éditeurs », de « nouveaux auteurs » et d’autres qui explorent les frontières du nouveau monde du livre — ils montrent la voie et, s’ils sont habiles, peuvent tirer profit du fait que d’autres préfèrent poursuivre avec les méthodes traditionnelles. Ça ouvre des possibles…

Et les libraires, et les géants (Amazon)?

Babel : Les libraires semblent, à première vue, de trop dans cette aventure. Qu’en pensez-vous?

Clément Laberge : Je pense le contraire.  Je pense que les libraires sont essentiels dans le nouvel écosystème du livre — dans leur rôle de conseiller, d’aide au choix, de diffuseur. Mais il faut pour cela qu’ils se plongent dans l’univers numérique — qu’ils l’occupent, littéralement. Qu’ils en deviennent des acteurs de premier plan. En étant présent sur Facebook, Twitter; sur le Web, via un blogue, etc.

Babel : Qu’ils deviennent des médiateurs, occupent les niches?

Clément Laberge : Un rôle de médiateur, oui.

Sylvie : Mais comment monétiser un rôle de médiateur ainsi?

Clément Laberge : Des niches, je ne sais pas? Ça dépendra des choix de chacun, de leurs contraintes et de leur confort à en embrasser large. En vendant des livres et, possiblement, de nouveaux services « autour du livre » (rencontre d’auteurs, événements, etc. — en présence ou en virtualité, etc.). C’est un énorme défi, c’est certain. Mais il faut y plonger — et c’est assez urgent, les choses se passent très rapidement.

Babel : Mais plus ça se dématérialise plus l’envie est grande d’aller vers les plus performants, sans intermédiaire : Amazon…

Clément Laberge :Je ne crois pas qu’il faut se résoudre à ce que Amazon soit « le plus performant » et encore moins qu’il corresponde à l’idée de « sans intermédiaire ». Plus performant? Certainement pas dans la qualité de la relation humaine.  Mais si on laisse la voie libre aux Amazon et autres de ce monde, c’est certain que les libraires auront la vie très difficile.  Je pense qu’il est inutile d’essayer de faire mieux qu’Amazon sur son terrain. Il faut essayer de faire « autre chose » — d’offrir aux lecteurs (aux acheteurs de livres)… d’autres approches, d’autres types de services. Des choses qu’Amazon ne pourra pas faire parce que son gigantisme représentera un obstacle.

Sylvie : Est-ce que le Québec est en retard sur d’autre société, est-ce qu’il y a un modèle actuellement ailleurs?

Clément Laberge : je ne pense pas que le Québec est en retard sur d’autres sociétés.  Nous sommes tous dans le même bateau actuellement. Nous avons tout à réinventer l’environnement dans lequel se fait la création littéraire et sa diffusion.  Je ne pense pas qu’il y a des modèles à cet égard. Il y a des exemples, des expérimentations dont s’inspirer. Mais les contextes sont tellement différents d’un pays à l’autre quand on parle de culture, qu’il ne me semble pas possible de parler de modèle en tant que tel.

Clément Laberge : @Sylvie: vous êtes libraire?

Sylvie : oui et il n’est pas évident de transformer nos pratiques,  en plus de changer le type de commerce de disons physique vers Internet, en plus le livre aussi se transforme…

Clément Laberge : Je le sais bien. Et mes commentaires ne se veulent surtout pas « donneur de leçon ».

Sylvie : Non non au contraire. La réflexion se poursuit … une habileté dans un métier n’est pas nécessairement transférable dans un autre?

Clément Laberge : C’est vrai, mais je pense que le plus fondamental du métier de libraire — l’amour de la littérature et le goût de la partager, de recommander des lectures — sera toujours essentiel. C’est sur ça qu’il faut miser. La question fondamentale est « comment ce rôle de conseiller en lecture peut prendre forme dans un environnement culturel de plus en plus numérique ». Et bien sûr, comment monétiser cela.  Mais la première est la question de fond.

Sylvie : Tout à fait , c’est pour cette raison que moi, et mes consoeurs et confrères libraires, devont maîtriser les outils info/internet

Clément Laberge : La librairie Biblosurf est un bel exemple de cette recherche.  Le libraire a donné récemment l’exemple sur son blogue de ce quoi a l’air une de ses journées type. C’est ici: http://www.bibliobernt.net/Une-journee-d-un-libraire-en-ligne

Soufi : Comment « s’instruire »,  déveloper les bons réflexes dans ce contexte du numérique?

Clément Laberge : @Soufi: Vous êtes aussi libraire?

Soufi : Je l’ai été.

Clément Laberge : Je suis profondément convaincu que la seule façon de développer « les bons réflexes » dans ce nouvel univers, c’est d’y plonger. D’y être un acteur, de s’y engager, d’y faire des erreurs…
Soufi : Et je trouve qu’il est difficile de faire entrer dans sa vie les Facebook, Twiter et autres plateformes.

Clément Laberge : …mais d’y être actif!
Soufi : Et d’être efficace avec ces outils.

Clément Laberge : Soufi: c’est un défi, mais c’est essentiel (d’un point de vue professionnel, je parle — au plan personnel c’est une autre histoire!).

Les formats, les liseuses, les plate-formes

Claude : Comment faire pour que les livres québécois soient sur toutes les plateformes? On ne peut pas dissocier les liseuses des commerçants…

Clément Laberge : Il faut très certainement que les livres québécois soient le plus accessible possible, sur toutes les plateformes.  Je suis motivé par l’idée que partout sur le web où on fait référence à un livre, il soit possible de l’acheter en quelques clics.

Claude : La guerre des formats (ePub, PDF) et celui de Amazon… j’espère qu’on arrivera à un consensus un jour, comme le MP3 pour la musique.

Clément Laberge : Je ne suis toutefois pas certain de comprendre ce que vous voulez dire par « on ne peut pas dissocier les liseuses des commerçants ». En ce qui me concerne, la guerre des formats est pas mal terminée — du moins à court terme. Deux formats se cotoieront, pour répondre à des besoins différents.

Claude : Dans le sens que le Kindle ne lit pas les ePub, et le Sony ne lit pas le format Amazon.

Clément Laberge : ePub pour les textes qui peuvent etre dissociée de leur mise en page sans trop d’inconvénients. PDF pour ceux où la mise en page est partie constituante de l’oeuvre offerte au lecteur.

Claude : Pour l’instant, l’offre de Amazon en français fait que,  pour moi, ce n’est pas un problème.

Babel : Mais Amazon a un format propriétaire?

Clément Laberge : Sur les formats, c’est Amazon qui s’entête avec son format propriétaire. Le reste de l’industrie s’est engagé dans les formats évoqués.

Claude : Le lecteur va un jour où l’autre se retrouver devant un choix, avec ces formats et les liseuses qui les supportent ou pas. Cette fermeture est dommage…

Clément Laberge : C’est vrai. Mais pour le moment ce n’est pas si complexe du point de vue des formats. Il y a Amazon, et les autres. Si vous choisissez l’environnement commercial d’Amazon, vous devez pratiquement y rester. Autrement, vous avez beaucoup moins de contraintes.

Claude : En fait, on aimerait avoir le choix. Acheter où on veut, le format qu’on veut, et aussi emprunter des livres à la bibliothèque, de même que pouvoir prêter nos achats!

Clément Laberge : Je pense qu’il ne faut pas accorder trop d’importance à ces inconvénients (formats, etc.).

Soufi : On parle beaucoup de format, mais peu de l’usage. Or pour les lecteurs, il faut du concret: acheter un livre et le lire. Aujourd’hui, il semble qu’il faut choisir son camp, sa plateforme, son libraire.

Clément Laberge : Ils sont normaux au moment où une industie se transforme aussi rapidement. Tout le monde essaie de tirer la couverte de son côté.

Babel : … il y aussi toute la question du prix du livre numérique qui nous interpelle… Un avis?

Soufi : Donc d’un coté, oui, on peut acheter partout en quelques clics, mais de l’autre, on est prisonnier de formats et d’appareils

Clément Laberge : L’essentiel est de savoir comment nous pouvons créer un contexte qui sera favorable aux auteurs québécois, à leurs éditeurs et à tous ceux dont l’expertise est requise.  Favoriser leur diffusion. Pour faire rayonner notre culture, notre façon de voir le monde, notre part d’humanité.

Guy : Question: Le livre numérique, est-ce un mode? Un tripe techno? Allons-nous y passer? Si oui, qu’est-ce qui fera en sorte qu’on va y passer?

Claude : Le prix… C’est ironique, en ce moment, de pouvoir se procurer un livre électro au format « poche » et payer moins cher que le grand format aussi en électro.

Guy : Un discours compris par les jeunes? La relève?

Clément Laberge : Babel et Claude: sur le prix, c’est pareil, n’y accordons pas trop d’importance, tout cela va se stabiliser dans les prochains mois — au pire, années. C’est relativement anecdotique dans l’ensemble des changements qui nous occupent. Il y a toutes sortes d’incongruités p/r aux prix.  Comme consommateurs, c’est à chacun de faire ses choix. Ceux qui trouvent que c’est trop cher n’ont qu’à attendre que les prix baissent pour acheter. Je préfère pour ma part acheter quand même, pour montrer qu’il y a une demande, un besoin, et encourager les auteurs à s’engager dans la diffusion des oeuvres en formats numériques. Je fais le pari que les prix baisseront ensuite.

Claude : Je ne crois pas que ce soit anecdotique… Ça bouge vite en numérique. Le client se fait une idée vite aussi. Le prix est important. L’outil aussi. Ainsi que l’offre. Ne pas balayer ça du revers de la main. ;-)

Clément Laberge : Claude: je suis d’accord avec vous.  Anecdotique était un peu fort.  Mais je maintiens que ce n’est pas l’angle par lequel il faut aborder la question en premier.

Claude : Alors, quel est-il, cet angle premier?

Clément Laberge : L’essentiel est de savoir si les oeuvres littéraires québécoises seront disponibles en versions numériques. C’est la condition préalable à une discussion sur les prix. La disponibilité des oeuvres. La facilité d’y avoir accès.

Claude : En effet!

Clément Laberge : En librairie (concept évolutif) et en bibliothèque (aussi évolutif).

Claude : J’ai hâte de voir des livres québécois en numérique à la Grande Bibliothèque aussi.

Clément Laberge : Ça viendra… ça viendra… bien des gens y travaillent…

Claude : On les encourage! :-)

Babel : Ça nous interpelle, nous bibliothécaires… :)

Clément Laberge : Parmi les participants, qui a déjà lu un livre (un roman, par exemple) en entier sous forme numérique? sur quelle forme de support/appareil?

Babel : Moi.

Claude : Moi, plusieurs, sur le Sony Reader.

Soufi : J’ai été incapable.

Babel : Sony, moi aussi, une petite merveille pour la lecture

Soufi : Mais c’était sur ordinateur…

Clément Laberge : Pas étonné pour la lecture d’un roman sur ordinateur.

Soufi : Je dois essayer ces liseuses avant de me faire une vraie idée

Clément Laberge : il faut tenter l’expérience sur une « liseuse » (je n’aime pas tellement ce terme) — c’est étonnamment agréable/confortable.

Claude : Non, sur ordinateur, c’est pas agréable. Même sur le iPad, j’ai des doutes. Les Kindle, Sony qui utilisent le eInk, c’est agréable pour les yeux.

Clément Laberge : ipad est aussi possible, dans de bonnes conditions d’éclairage.

Guy : J’aime bien lire sur mon iPad.

Soufi @clément: moi non plus, c’est un barbarisme ce terme

Soufi : Dans le livre, le support est essentiel

Soufi : On ne lit pas un poche comme on lit un livre de la Pléiade.

Claude : J’adore emprunter des livres numériques à la GB. Pas de frais de retard! Mais c’est étrange qu’on ne puisse pas emprunter un livre numérique déjà emprunté. Question de gestion, sans doute.

Soufi : Donc l’appareil devient important.

Clément Laberge : C’est vrai que le support fait partie de l’expérience — et c’est pour cela qu’il restera toujours des livres imprimés, mais c’est une dimension de l’expérience seulement. Je n’ai jamais lu autant que depuis que je lis des livres en format numérique.

Soufi : Mais même en numérique, les livres s’adapteront au support, non?

Claude : Ce que j’aime aussi du Sony, c’est que le livre ait 800 pages ou 150, le poids dans mes mains est toujours le meme : léger! Et les caractères sont de la grosseur que je veux.

Clément Laberge : Parce que j’utilise tout plein de temps morts dans mon agenda: transports, attentes, etc.

Soufi : Un livre sur du papier électronique ne sera pas le même qu’un livre sur Ipad, ou si?

Clément Laberge : l’expérience de lecture variera sans doute.  C »est cette « invention » de nouveaux contextes d’entrée en contact avec le texte qui me fascine.

Soufi : Et les éditeurs ne devront-ils pas développer des expertises en fonction de ces supports.

Claude : Avec le iPad, le plaisir serait, pour moi, d’avoir accès à Google, Wikipédia, quand on se pose des questions. D’un autre coté, ça distrait de la lecture…

Clément Laberge : L’auteur créé un texte, m’y invite, et j’y accède par le moyen que je choisi. La « rencontre » est transformée par nos choix respectifs.

Guy : Bientôt, des livres numériques utilisant diverses possibilité ne pourront même pas etre plubiés sous format papier.

Clément Laberge : C’était déjà le cas dans le monde de l’imprimé, mais les possibles sont plus nombreux et plus variés maintenant.

L’édition québécoise, les auteurs

Claude : Cela dit, qu’est-ce qui freine, retarde, les éditeurs québécois en regard du numérique?

Clément Laberge : Bien sûr que les éditeurs devront développer de nouvelles compétences,  comme les libraires, les bibliothécaires… et les auteurs (et tous les autres acteurs de ladite « chaîne du livre » (autre expression que je n’aime pas tellement)).

Guy : @ Claude: C’est leur compréhension des technologies.

Clément Laberge : Ce qui retardent les éditeurs québécois?

Claude : Je suis un auteur, en passant.

Clément Laberge : Retard par rapport à quoi? à qui?

Claude : Et ancien éditeur.

Guy : @Claude: Bravo! :-)   C’est ainsi que ça va changer.

Clément Laberge : Comme les auteurs et tous les autres, les éditeurs doivent prendre le temps d’apprivoiser tout ça
Guy : Un bon début…

Clément Laberge : D’expérimenter, de se mouiller.

Claude : Retard, dans le sens que tous les éditeurs n’ont pas le même rythme de publications numériques.

Clément Laberge : Et cela demande du temps. Or, les équipes de la plupart des maisons d’édition sont assez réduites, ce qui rend parfois complexe cette expérimentation.

Soufi : Et les modèles en place prennent du temps avant de faire la place à la nouveauté.

Clément Laberge : Cela dit, les auteurs ont un grand rôle à jouer dans le développement de l’audace/initiative des éditeurs.

Claude : Pourtant, rendre une épreuve PDF et la convertir en ePub et autres, c’est pas si long et compliqué, non? Les coûts de l’entrepot numérique seraient-ils une partie de cette « lenteur » ?

Clément Laberge : Il faut agir comme moteur plutôt que comme frein.

Soufi : L’auteur de demain créera en fonction des nouvelles posibilités numériques, c’est pour ça que les petits éditeurs d’aujourd’hui risquent d’y perdrent leur chemise.

Clément Laberge : Dire à son éditeur qu’on préfère qu’il fasse des erreurs en diffusant le livre sous forme numérique que de nuire à la diffusion du livre sous prétexte de ne pas oser faire d’erreur.

Clément Laberge : Il y a des coûts pour préparer un fichier ePub à partir d’un pdf, mais c’est aussi un apprentissage à faire — à terme ce seront des couts intégrés au budget de production d’un livre…   aussi normalement que l’impression. C’est une erreur de les voir comme un coût « additionnel ». Ça fait partie du « nécessaire » pour publier un livre aujourd’hui.  Sur les coûts de l’entrepot numérique, franchement, je ne crois pas.

Soufi : @tous: désolé, j’ai un problème de clavier.

Clément Laberge : 20$/livre/année, dont presque  50 pourcents peut être remboursés par divers programmes de soutien à l’édition… c’est bien peu pour assurer l’existence d’une oeuvre dans cet espace culturel.

Claude : Je dis ça parce qu’avec un distributeur « papier », il n’y a pas de frais, et le roulement fait qu’il y a toujours des entrées. Mais en numérique, si le livre ne se vend pas… Je ne sais pas, je pose  la question.

Clément Laberge : Cela dit, nous tentons encore de réduire ces coûts, jusqu’à 0$ de coûts fixes — les seuls frais liés à l’entrepot numérique étant alors liés à des ventes de livres. C’est l’objectif que nous avons.

Babel : Nécessité que perdurent ces programmes de soutien avec le numérique?

Claude : Les programmes de soutien à l’édition sont-ils maintenant adapté à la réalité numérique?

Clément Laberge : babel: je pense qu’on doit souhaiter que le soutien financier soit le plus possible de la création. Mais dans un contexte comme celui du Québec, il faudra vraisemblablement toujours soutenir de diverses façons la diffusion, sur le territoire national et à l’étranger!

Le contrat avec le lecteur

Clément Laberge. Claude: comme auteur, qu’a changé le numérique pour vous depuis les dernières années? Dans les contacts avec vos lecteurs, par exemple?

Claude : Comme auteur, pour l’instant : rien! ;-) J’aurai mon premier livre en numérique en octobre. Alors, on verra. Mais comme lecteur, je suis en manque de livres numériques et de facilité d’accès.

Clément Laberge : Vraiment rien comme auteur?  Pas plus de commentaires de lecteurs? Est-ce que vous êtes présent sur le Web? facebook? etc.?

Claude : En fait, je suis plutot un apôtre qui tente de répandre la bonne nouvelle du numérique autour de moi, mais je rencontre plutot de la résistance.  Oui, j’ai un site web, je suis sur Facebook, si vous parliez de ce côté du numérique.

Clément Laberge : Résistance de qui?

Claude : De tous : auteurs, éditeurs, lecteurs…

Clément Laberge : Le numérique pour moi ce n’est pas que le livre « dématérialisé » c’est aussi tout ce qui se passe autour du livre, dans ces nouveaux espaces numériques. C’est même surtout cela!

Claude : Lire un livre numérique avec le courriel de l’auteur en bas de la page, et en seul clic, lui dire ce qu’on en pense. Une utopie? ;-)
Clément Laberge : Pas du tout! Lire un livre c’est forcément entrer en contact avec quelqu’un — avec un auteur. Le Web est un moyen extraordinaire pour cela.

Babel : @clément Claude marque quand même un point, peu de gens sont actifs sur le WEB 2.0.

Clément Laberge : L’auteur a aussi son rôle à jouer dans ce contact, celui d’ouvrir la porte, de formuler l’invitation — avoir un blogue ou être sur Facebook est un bon moyen pour cela. Je ne pense pas que les gens sont si peu actifs sur le Web.

Claude : @ babel : j’ai dit ça?

Clément Laberge : Quand on leur en offre l’occasion, je pense qu’ils sont même très volontaires et intéressés. Il faut toutefois apprendre à annoncer/animer/coordonner ces espaces de rencontres.

Babel : 5 % sont vraiment actifs, dit-on.

Clément Laberge : 5 % c’est déjà énorme! 5 pourcent de la population québécoise ça fait du monde.   5 pourcent des lecteurs d’un livre, c’est pas mal non plus. D’autant que ces gens sont souvent aussi ceux qui sont les plus portés sur le bouche à oreille. Ceux qui disent spontanément ce qu’ils aiment et ce qu’ils n’aiment pas.

Clément Laberge : Claude: comment utilisez-vous votre profil Facebook comme auteur?

Claude : Je me sers surtout de Facebook pour garder le contact et prendre des nouvelles des copains auteurs et du monde du livre en général.

Clément Laberge : Donc pas spécialement pour entretenr un contact avec les lecteurs /amateurs de vos oeuvres?

Claude : Il faudrait que je me crée une page Auteur sur Facebook pour tout le monde.

Soufi : C’est  votre éditeur qui aurait dû vous le recommander!

Clément Laberge : Je pense que ce serait intéressant — si on peut prolonger la réflexion ensemble dans les prochaines semaines / si je peux être utile, ce sera avec plaisir.

Clément Laberge : Je pense que les auteurs devraient s’assurer de gérer leur propre espace de rencontre de leurs lecteurs — ne pas laisser cela au soin de leur éditeur. Mais à défaut… c’est bien que l’éditeur le fasse /accompagne / prenne en charge. C’est certain!

Clément Laberge : Il faut aussi s’amuser avec les contacts avec les lecteurs, les surprendre.

Claude : J’ai créé une page FB pour un livre en particulier, et je le ferai pour un autre. Mes autres livres étaient pour les plus jeunes, peu nombreux sur Facebook il me semble.

Clément Laberge : Il faut, par exemple, chercher son nom sur le Web, voir ce que les gens disent de nos livres — et leur répondre, leur écrire.

Soufi : Clément: Êtes-vous auteur aussi?

Clément Laberge : Leur dire merci, ou leur dire qu’on a lu leur commentaire moins bon, peut-être, qu’on l’aurait souhaité, inviter au dialogue. J’opterais pour une page « auteur » — pas pour une page par livre.  Ça deviendra trop compliqué et ne facilitera pas la découverte des autres oeuvres.

Claude : Oui, bonne idée. Je retarde la chose… Je vais m’y mettre, promis! :-)

Clément Laberge : J’ai été marqué par une expérience, dans une école, il y a quelques années. Une enseignante avait demandé aux élèves de publier sur le blogue de la classe un commentaire sur un livre,  un compte rendu de lecture,  lle blogue de la classe devenant en quelque sorte le reflet du « cercle de lecture des élèves ». Au bas de chaque texte, un espace pour les commentaires.
- Un matin, un élève a reçu un commentaire de Brian Perro.
- Il avait cherché son nom sur le Web et vu que cet élève avait fait un commentaire sur son livre.
- Il a laissé une note à l’élève.
- Ça été un feu d’artfice dans la classe.
- Une source de motivation pour cette élève, mais aussi pour tous les autres!
- Du jour au lendemain, les élèves ont compris que leur compte rendu de lecteur pouvait etre lu par l’auteur…
- … il fallait donc prendre soin de ce qu’on disait, lui donner envie de nous écrire s’il lisait le commentaire…
- … et les élèves ont eu plus le goût de lire les livres des auteurs présents sur le Web…
- ..et certains se sont aventurés à leur écrire directement pour leur faire part de leurs commentaires.

Claude : Je dois vous quitter.

Clément Laberge : Voilà de quoi stimuler la lecture, l’écriture…
- Au plaisir! J’espère que nous aurons l’occasion de poursuivre dans d’autres contexte.

Claude : claude-champagne.com :-)

Clément Laberge : J’irai voir!
————————————— Pause de 10 minutes, de retour à 15 h ———————————

Le numérique, la persévérance scolaire et la rencontre

Babel : Est-ce que la révolution numérique peut jouer un rôle marquant autour de la persévérance scolaire?

Clément Laberge : Je ne pense pas que le numérique en tant que tel peut faire quoi que ce soit.

Sined : Bien d’accord, le numérique est une autre manière de communiquer, c’est tout

Clément Laberge : Les nouveaux types d’interactions qu’on peut créer autour de l’école, notamment, grâce aux technologies, elles pourraient avoir un effet. Certainement.

Babel : Votre exemple avec Brian Perro était pas mal…

Sined : Non ?

Clément Laberge : Voilà — mais ce n’est pas tant la présence des technologies dans l’école que l’attitude du prof qui accepte d’ouvrir sa classe sur l’extérieur, sur la cité.

Babel : Et sur les moyens mis à sa disposition…

Clément Laberge : Sans le numérique, c’est une chose très complexe de faire intervenir des gens extérieurs dans la dynamique de la classe, avec le numérique, cela devient beaucoup plus facile.

Sined : Tout revient à la capacité des individus d’intégrer le numérique ?

Clément Laberge : Ma conviction personnelle est que les technologies numérique sont pertinentes en éducation si elles permettent de faire tomber les murs de l’école — virtuellement!, si elles permettent au prof d’avoir du soutien, de faire entrer un peu plus de « la vraie vie » dans la classe  et si elles permettent aux élèves d’tre plus facilement mis en contact avec l’Autre avec l’Ailleurs. Ce qui est aussi le sens de la littérature d’ailleurs.

Sined : La question ne revient-elle pas toujours à l’humain derrière le bureau ?

Clément Laberge : Tout est dans la rencontre.

Sined : À ses capacités de créer une interaction avec les élèves.

Clément Laberge : les technologies m’intéressent lorsqu’elles favorisent la rencontre
- donc, oui, dans l’interaction.
- la rencontre de deux personnes — ou plus.
- de deux réalités
- de deux imaginaires

Sined : C’est le rôle de l’art et de la création, non ?

Clément Laberge : Ancrée dans des territoires et des expériences jugées complémentaires : de l’art et de la création, bien sûr. De l’éducation aussi.

Sined : En fait de tout ce que l’humain peut faire.
-Puisque la création peut se retrouver partout…  pourquoi un auteur devrait écrire sur le web ?

Clément Laberge : Je ne pense pas qu’il doit écrire « sur le Web ».
Peu importe où il écrit,  l’essentiel est de savoir s’il est présent là où sont ses lecteurs.  Est-il disponible à la rencontre? Rencontre qui peut évidemment prendre bien des formes.

Babel : Un interculturalisme numérique ancré dans l’âme, la création et le réel.

Clément Laberge : Plus ou moins concrètes,  plus ou moins « en direct », plus ou moins scénarisée.

Sined : À ce titre, les auteurs ne devraient pas écrire sur le web puisqu’il y a peu de lecteurs… non ?

Clément Laberge : Peu de lecteurs sur le Web? Je ne suis évidemment pas d’accord.

Sined : Peu de lecteurs de fiction.

Clément Laberge : Les gens qui lisent sur papier sont aussi sur le Web. Ils découvrent des auteurs, l’existence de livres, se font suggérer des choses par des amis sur Facebook, etc.  L’aventure du livre numérique ne se résume pas à la dématérialisation du livre.  Bien au contraire.

Sined : Le livre numérique ne remplacera pas le livre papier ?

Clément Laberge : Pas à court terme. Je pense que ce sont des formes complémentaires qui assurent la diffusion des oeuvres. L’essentiel est que les oeuvres soient disponibles sous une forme ou sous l’autre. À terme, nous verrons bien. Je pense que certains livres ne seront peut-être plus imprimés, d’autres le seront toujours — ou du moins pour longtemps. Cela dépendra des types de livres et des types de lecteurs auxquels ils sont destinés.

Les recommandations de lecture numérique

Curieux : Bonjour. Quelles sont les étapes à suivre, ou à recommander, à un lecteur de livres papier pour qu’il fasse le saut vers le numérique?

Clément Laberge : Un lecteur intéressé par quels types de livres?

Curieux : Je ne sais pas par où commencer et je pense que beaucoup de lecteurs sont dans mon cas. J’aime aller en librairie et découvrir des livres et des auteurs, feuilleter, etc. Romans, mais aussi des essais et de la poésie.

Clément Laberge : Bien sûr! et il ne faut pas arrêter de le faire!

Curieux : Mais le livre numérique ne fait pas l’objet d’une bonne diffusion il me semble.

Clément Laberge : Si c’est quelqu’un qui est un peu à l’aise avec la technologie (qui achète déjà sa musique en ligne, par exemple), je pense que le mieux est de s’acheter une « liseuse » et de faire l’expérience… Si c’est quelqu’un qui n’est pas à l’aise avec le numérique, je pense qu’il faut mieux attendre quelques semaines/mois encore — tout se simplifiera beaucoup à court terme. Je fais à peu près 50 pourcents de mes choix de lecture en librairie… mais j’achète de plus en plus en numérique.

Curieux : Comme le téléphone portable qui est devenu une commodité?

Clément Laberge : Concrètement, cela veut dire que je continue à m’arrêter dans les librairies, mais que je ressors plus souvent les mains vides… Et que je fais mes achats le soir, chez moi, sur livresquebecois.com ou jelis.ca, par exemple. J’essaie évidemment de respecter d’acheter sur les sites des libraires où je suis aller bouquiner pour honorer l’expérience et le service qu’ils m’ont offerts sur place.

Encore les liseuses

Curieux : Quelle liseuse utilisez-vous?

Clément Laberge :  J’ai beaucoup utilisé la Sony 505 et la Sony 700. J’utilise actuellement la Cybook Gen 3, de Bookeen.
- Je l’aime beaucoup, notammement pour son très faible poids et son format « poche de veston ».
- Au bureau, une amie utilise le Kobo avec beaucoup de satisfaction.

Curieux : Oui, c’est ce passage à l’achat de l’outil qui me freine un peu

Clément Laberge : Je lis aussi sur le iPad — notamment pour tous les livres auquel je n’ai accès qu’en format pdf. C’est bien, mais l’appareil est un peu lourd et demande de bonnes conditions d’éclairage (problèmes de reflets, etc.)

et les bibliothèques…

Babel : Et les bibliothèques, quelles rôles peuvent-elles jouer dans la rencontre évoquée précédemment.

Clément Laberge : Les bibliothèques sont le lieu de rencontre « autour du livre » par excellence. Elles devraient animer l’avènement du livre numérique,  favoriser le dialogue entre les acteurs — comme aujourd’hui, permettre des expérimentations,  proposer des séances d’information, de  formation, etc. Ce qu’elles font déjà — mais qu’elles devraient faire encore plus activement. À mon avis!

Curieux : Comment les bibliothèques peuvent-elles prêter des livres numériques? existe-t-il une technologie qui le permette?

Clément Laberge : Bien sûr,  il existe une technologie qui permet de rendre disponible des livres dans un format qui est «périmé » après 30 jours. Et alors le livre redevient disponible pour quelqu’un d’autre.

Babel : Je suis d’accord pour ce genre de prêt, mais peu d’offre en français, numérique.

Clément Laberge : Ça viendra…

Curieux : Les bibliothèques québécoises en sont-elles équipées?

Clément Laberge : Certaines le sont.

Curieux : Je pense que les bibiliothèques et les librairies devraient jouer un rôle d’éducation et de promotion de cette nouvelle forme d’accès aux livres.

Clément Laberge : Comme les auteurs, les éditeurs et les libraires, les bibliothécaires explorent/expérimentent — chacuns à leur rythme.

Curieux: Je suis d’accord avec vous.  Et il faut s’assurer qu’elles aient les moyens de le faire. Je pense quil faut aussi oser imaginer de nouvelles interactions entre la librairie et la bibliothèque. Il faut inciter les gouvernements à injecter de l’$.

Babel : Est-ce que l’achat de livre numérique est subventionné par le MCCQ, comme pour le livre papier?

Clément Laberge : Curieux: question d’argent, peut-etre… mais je pense quil faut surtout accepter l’idée de repenser de quelle façon on utilise l’argent dont on dispose – être créatif.

Curieux : Si on est en présence d’un changement de paradigme, il ne faut pas que ce soit seulement les entreprises qui dictent ce changement.

Clément Laberge : Si l’achat est subventionné de la même façon… pas tout à fait clair… ça dépend des programmes… c’est complexe. Reste largement à définir.

Curieux : Les utilisateurs doivent avoir leur mot à dire  et c’est un peu le rôle de nos institutions de permettre ce relais et de préserver les structures en place: librairies, bibilothèques, notamment.

Clément Laberge : C’est vrai — et c’est bien pour cela que le développement de l’espace culturel numérique doit être une préoccupation publique — un enjeu collectif. Le rôle des utilisateurs (de la bibliothèque) mais des lecteurs (de façon encore plus général) est évidemment déterminant.  Il me semble que les institutions ont la responsabilité de favoriser leur expression

Curieux : Il en va de la pérennité de la diversité culturelle

Et dans dix ans?

Babel : On se projette dans le futur. Dans dix ans? Où sommes-nous?

Clément Laberge : Un extraordinaire laboratoire — avec ce que ça a d’expérimental, d’essai/erreur, de flous… c »est le moment où les choses prennent forme. C’est un moment merveilleux pour qui veut prendre part à l’invention — et accepter ce qui va avec une telle période.  Dans quelques années, les choses se seront cristalisées… on sera moins dans l’invention et plus dans l’organisation, l’optimisation. Ce seront d’autres défis. Je ne vois personne de mieux/moins bien placée. Et pour moi ce n’est pas un match à « qui s’en tirera le mieux ». Ce n’est pas un jeu où ceux qui gagnent prennent à forcément à l’autre. Oon est dans un contexte où les acteurs doivent assumer leur interdépendance  et faire preuve de solidarité. Je crois que cela n’est possible que si chacun accepte de se rendre un peu vulnérable — en se lançant dans l’aventure,  en essayant le numérique,  en choisissant d’etre acteur au lieu de se contenter d’être spectateur.

Babel : Et rassembleur, comme vous, cher Clément Laberge!

Clément Laberge : Je pense que choisir la position de spectateur, c’est accepter de « subir le numérique » alors qu’adopter la position d’acteur c’est ce donner la chance de s’emparer du numérique.

Trouble-fête : Attention, il ne reste que quelques minutes, 5 pour être plus précise.

Clément Laberge : il faut valoriser l’essai,  encourager les auteurs à être sur le web, - pareil pour les éditeurs, libraires, etc., accepter que tout ne soit pas parfait du premier coup,  ne pas critiquer trop sévèrement à la première chose qui ne fonctionne pas parfaitement, formuler nos critiques de façon constructive (meme avec insistance — voire sévérité)- Le livre numérique n’existe pas en dehors de nous.
- C’est à nous de l’inventer.
- Je pense que c’était un peu ce dont cet événement souhaitait rendre compte.
- J’espère qu’on aura pu faire quelque pas dans ce sens.
- (et que je n’aurai pas trop parlé!)

Curieux : Merci pour votre passion.

Babel : Bravo!

Curieux : Je souhaite qu’elle se transmette aux institutions et à tous les lecteurs

Clément Laberge : Souhaitons-le nous.
- Bonne fin d’après-midi.
- Bonne fin des Journées de la culture
- et merci de l’invitation : ça été un grand plaisir!

Luc Jodoin, alias Babel

—-

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août - 2010 31

affiche Mille Vies

Avez-vous entendu parler de Mille Vies? Il s’agit d’un roman feuilleton web présenté sur le site des Bibliothèques publiques de Montréal en collaboration avec BAnQ. Tous les mercredis depuis le 18 août 2010, un épisode du roman est mis en ligne gratuitement et sans abonnement.

L’intrigue

Skibbereen, Montréal, Kingston, Vicksburg, Boston et Lowell sont quelques-unes des villes qui marquent les 1000 vies de Molly Galloway. Nourrie des bouleversements de son époque, elle prend le train des idées et des combats pour la vie et la liberté. Ses chemins la conduisent sur les pavés des villes naissantes, les rails des chemins de fer et les tranchées des champs de bataille. Jeune immigrante parcourant l’Amérique du 19e siècle, Molly sera amenée au cours de ses aventures à s’impliquer dans les causes et les désordres de son siècle, tout comme ses propres héros, d’Artagnan et le comte de Monte-Cristo.

À la fois un livre, un site internet et un moyen de communiquer

Mille Vies est le premier roman feuilleton web gratuit publié par les bibliothèques publiques. Les épisodes sont accompagnés d’une riche iconographie et d’informations complémentaires. Chaque semaine, les lecteurs peuvent poursuivre leur recherche sur les thèmes abordés grâce à des suppléments d’information, des propositions de lecture, des vidéos, de la musique, des bibliographies et des webographies facilement accessibles. Il s’agit d’un livre augmenté. En ce sens, il déborde la simple lecture et permet d’utiliser les ressources en bibliothèques et en ligne pour en connaître davantage et poursuivre le voyage à sa façon. Si le roman est fictif, la trame historique est réelle et les pistes de recherche internet sont nombreuses et fascinantes.

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nov - 2009 12

ppt-luc2J’ai eu la chance d’animer un atelier

dans le cadre du congrès 2009  Investir le numérique.

Ma présentation s’intitulait « Les bibliothèques de Montréal 2.0 ».

Vous la trouverez à l’adresse suivante :

http://bibliomontreal.com/congres-novembre-2009.zip

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fév - 2009 10

Ça y est, on le lance notre blogue, notre Espace B. Il est ouvert à tous les professionnels et aux responsables des bibliothèques du réseau des bibliothèques de Montréal.

Un blogue privé qui vise à échanger, s’informer et mobiliser autour des enjeux de la bibliothèque en devenir.

Espace B, ce sera :

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