mai - 2017 04

Voici l’histoire d’un petit fab lab, petit par la taille, mais grand par sa place dans l’histoire des fab labs en bibliothèque au Québec. En effet, Benny Fab est le premier fab lab à avoir vu le jour dans une bibliothèque publique de la province.

Sur la porte du fab lab. Le ton est donné!

Sur la porte du fab lab. Le ton est donné!

On pourrait presque raconter que Benny Fab est un accident, mais c’est plutôt une heureuse surprise.

Dans le projet de la nouvelle bibliothèque Benny, commencé en 2008, il n’était pas vraiment question de fab lab. Le mot n’avait même pas encore atteint le milieu professionnel à Montréal. À quelques mois de l’ouverture, en 2015, il est pourtant apparu inconcevable que la nouvelle bibliothèque n’offre pas un espace de création numérique à ses usagers.

Un emplacement est trouvé et le petit fab lab s’installe doucement dans cet espace d’une dizaine de mètres carrés. Les débuts sont un peu hésitants, mais aujourd’hui une équipe de deux personnes lui est dédiée, un bibliothécaire, Marc Lemaire, et un animateur spécialisé, Thomas Poulin. À eux deux, ils s’occupent du matériel, des activités, d’accueillir les usagers du fab lab pour leurs projets personnels, ou simplement pour répondre aux questions des curieux. Deux autres employés les aident ponctuellement, Yuan Gao, animatrice spécialisée et Laurence Sabourin aide-bibliothécaire.

On retrouve dans ce mini fab lab trois imprimantes 3D, une découpe vinyle, plusieurs ordinateurs, des LEGO WeDo et Mindstorm (robotique), des Arduino, Littlebits, Makey makey, des appareils photo reflex Canon, un coffre à outils avec tout le matériel du parfait petit bricoleur. Et bien évidemment, la Charte des fab labs.

Quatre clubs ont été créés : électronique, robotique, jeux vidéo, modélisation et impression 3D. Ils se réunissent une fois par mois et compte chacun une douzaine de jeunes. Le lieu ne pouvant de toute évidence pas accueillir un plus grand nombre de participants, Benny Fab déborde de ses murs et investit la salle de formation et l’espace ado voisin.

Benny Fab a été lancé sans une grande planification et avec un budget restreint. Et c’est pourtant un immense succès. Il a très vite été envahi par les usagers.

On y croise monsieur Thibault, 71 ans, qui vient toutes les semaines. Il a découvert le fab lab en passant devant lorsqu’il se promenait dans la bibliothèque. Il fabrique un simulateur de vol et certaines pièces sont introuvables dans le commerce. Il s’est mis à la modélisation 3D pour les créer et les imprime à Benny Fab.

Kyan, Geneviève Lamarche, tous deux utilisateurs de Benny Fab, et Marc Lemaire, bibliothécaire-coordonnateur du fab lab.

Kyan, Geneviève Lamarche, tous deux utilisateurs de Benny Fab, et Marc Lemaire, bibliothécaire-coordonnateur du fab lab.

Geneviève, elle aussi vient depuis la première journée. C’est son fils, Kyan, 6 ans, qui voulait entrer dans le fab lab. Il joue aux LEGO WeDo ou Mindstorm. Elle, elle a découvert un monde et créé le lien avec ses études. « J’ai besoin d’une place comme ça pour mon travail à l’école ». Elle étudie en restauration au Collège LaSalle et s’intéresse à la nourriture pour les enfants, mise en forme style super héros. « Des emporte-pièce en forme d’éclair ou de chauve-souris de Batman, ça n’existe pas! Alors je les imprime ».

Geneviève veut appliquer la technologie à l’alimentation. Elle veut créer un fab food lab pour les enfants : Super Hero Food for Kids!

Elle a d’ailleurs été lauréate des Grands prix de la relève en restauration, tourisme et hôtellerie de l’AQFORTH (Association québécoise de la formation en restauration, tourisme et hôtellerie) et a participé au rendez-vous Maker to Entrepreneurs, une communauté dont les membres se rencontrent régulièrement pour partager leurs projets.

Benny Fab, c’est « open collaboration ! », dit Geneviève.

Un projet a aussi émergé avec la rencontre d’une personne malvoyante. Originaire du Japon, celle-ci possède une canne japonaise avec un embout particulier pour l’aider dans ses déplacements. Cet embout n’existe pas sur la canne qui lui est fournie par le gouvernement du Québec. C’est donc une équipe issue de Benny Fab qui travaillera sur ce petit bout de plastique si important qu’il sera « comme une nouvelle paire d’yeux » pour cette personne.

Benny Fab dans la salle de formation de la bibliothèque.

Benny Fab dans la salle de formation de la bibliothèque.

En marge de ces passionnés et de leur projet au long cours, on croise des ribambelles de jeunes garçons, dont l’âge tourne autour de 10 ans. Ils entrent dans le fab lab comme dans leur chambre, empruntent un ordinateur, un iPad, des LEGO Mindstorm. On les suit dans la salle de formation où ils modélisent dans le bruit, le partage et la bonne humeur, les idées qu’ils ont en tête. Lorsque la modélisation est trop complexe pour être imprimée, Thomas leur propose de la transférer dans Unity, un outil de création de jeu vidéo. Ne reste plus qu’à promener un personnage dans cet univers unique et créé en quelques instants.

Benny Fab c’est tout ça. Des machines bien évidemment, mais qui ne sont que la pointe émergée d’un iceberg de relations humaines.

Pour suivre leurs créations, le compte Thingiverse de Benny Fab : http://www.thingiverse.com/Fab_Lab_Benny/about

Pour les joindre : fablabbenny@gmail.com

Modélisation 3D sur Tinkercad, mangas et BD : un fab lab en bibliothèque!

Modélisation 3D sur Tinkercad, mangas et BD : un fab lab en bibliothèque!

Images : Gaëlle Bergougnoux, licence : CC BY-NC-SA 2.5 CA

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mar - 2017 01

Cette présentation a été partagée le 16 février 2017 à l’occasion d’une journée de réflexion sur les fab labs dans le réseau. Elle aborde le contexte et les opportunités de développement des fab labs dans les bibliothèques de Montréal et du Québec.

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juin - 2016 13
post-it-notes

Giorgio Montersino via Flickr - CC BY-SA

1. L’ABF réussit à valoriser l’innovation à son congrès 2016. Un rapide compte-rendu des trois jours du Congrès de l’Association des Bibliothécaires de France des 9-10-11 juin derniers sur le thème de l’innovation. Une innovation vue d’un point de vue social, technologique et territorial sur fond de débat sur les horaires élargies des bibliothèques. Une participante convertie : « Je crois de toute façon que lorsqu’on commence à casser les codes, on devient accro à ça, l’innovation, c’est addictif. »

2. Comment développer une culture de l’innovation dans les bibliothèques ? La présentation de Silvère Mercier, sur son blogue Bibliobsession, faite au congrès de l’ABF la semaine dernière. Où l’on parle de formation, de médiation numérique (et non de médiation du numérique), de l’importance de forger une culture numérique commune et de la veille, où « l’innovation existe là où la prise de décision est décentralisée ».

3. Bibliothèques : pourquoi jeu vidéo et FabLab ne sont pas qu’un “coup de jeune”. Retour sur les ateliers techno proposés aux participants du Congrès de l’ABF. Discussion croisée entre plusieurs professionnels des bibliothèques. Où l’on parle d’éducation à la citoyenneté numérique, de « ne pas laisser la technique aux techniciens », du numérique comme nouvel outil et des « technologies qui favorisent le vivre-ensemble, déjà au cœur de la bibliothèque ».

4. Une imprimante 3D en médiathèque : Pour quoi faire ? Quelques arguments pour faire entrer l’impression 3D dans la bibliothèque et des exemples concrets de ce que l’on peut faire avec.

5. Tuto des makers #11: fabriquez votre casque de réalité virtuelle. Un tutoriel vidéo de moins de deux minutes pour fabriquer son propre casque de réalité virtuelle (beaucoup moins cher qu’un Oculus Rift!). Au programme : du carton, des lentilles, du velcro, des aimants, une règle, des ciseaux et un peu de pliage et d’astuce.

6. 60 secondes pour comprendre la réalité virtuelle. Un petit film d’animation expliquant la réalité virtuelle et ses applications. Et pour ne pas les confondre : 60 secondes pour comprendre la réalité augmentée.

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sept - 2014 25

En ces temps de coupures qui vulnérabilisent les bibliothèques, réputées pour être au service des plus vulnérables, les ressources et les articles de la veille seront partagés sans annotation. Voici une sélection de l’actualité sur l’architecture et l’aménagement des bibliothèques repérée ou diffusée sur le fil twitter.

Pour aller plus loin :

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juin - 2013 14

Gaëlle Bergougnoux est étudiante à la maîtrise en sciences de l’information à l’EBSI. Elle termine ses études en effectuant un stage sur le sujet des fab labs à la Division des Quartiers culturels avec Marie D Martel.

La bibliothèque publique, de par son rôle et sa place dans la société a toujours avancé et accompagné les évolutions de celle-ci. Loin de l’image du sanctuaire de livres (ce qu’elle est aussi d’une certaine façon), la bibliothèque s’est toujours renouvelée, s’adaptant et adoptant les technologies de l’heure. Ainsi CD, DVD, Blu-ray, jeux vidéo sont entrés dans ses collections. Ordinateurs et internet ont aussi leur place dans ces lieux publics d’information. Les formations et les activités proposées aux usagers se sont aussi diversifiées, et si l’on y raconte toujours des histoires aux plus jeunes, on y trouve maintenant des soirées jeux vidéo, des initiations à Internet et aux réseaux sociaux. Mais comme l’ont souligné plusieurs auteurs et professionnels du monde des sciences de l’information, la bibliothèque du 21e siècle entre dans une nouvelle ère, qui, de consultation et utilisation, devient participation et création.

Le concept qui a nourri cette réflexion nous vient de la sociologie urbaine et plus précisément de Ray Oldenburg. Dans ses ouvrages Celebrating the Third Place et The Great Good Place, le sociologue y développe l’idée, qu’après le premier lieu (la maison) et le deuxième (le travail), les humains ont besoin d’un troisième lieu, neutre, pour s’y retrouver, interagir, entrer et participer à la vie de la communauté. Oldenburg pense avant tout aux cafés (un certain modèle du café européen), mais aussi à bien d’autres endroits comme le titre complet de son livre l’indique : The Great Good Place: Cafes, Coffee Shops, Community Centers, Beauty Parlors, General Stores, Bars, Hangouts, and How They Get You Through the Day… Pourtant, si la bibliothèque publique ne fait pas partie des espaces qu’Oldenburg propose comme « tiers-lieu » ou « troisième lieu », nombreux sont ceux qui ont vu en elle les caractéristiques idéales pour répondre à ce concept. S’est alors posée la question de la façon dont la bibliothèque publique, qui possède en ses fondements des valeurs idéales pour être ce tiers-lieu, ferait pour en être effectivement un.

Les fab labs sont une réponse possible à cette transformation nécessaire, ce passage de lieu de consultation à lieu de participation, que vivent les bibliothèques publiques, et orienté bien évidemment vers les usagers. Comme le souligne en effet Jeff Krull, directeur de la Allen County Public Library : « The library is in the learning business, not just the book business ». Et c’est ainsi qu’il explique la présence du conteneur installé dans le stationnement de la bibliothèque et qui contient un fab lab, un « fabrication laboratory », un espace dédié à la fabrication numérique.

 

Qu’est-ce qu’un fab lab ? Et a-t-il sa place en bibliothèque publique ?

Les fab labs (contraction de fabrication laboratory) sont nés en 2001 au MIT, dans un cours du professeur Neil Gershenfeld intitulé « How to make (almost) anything ? ». On trouve plusieurs définitions de ce type de lieu. Fabien Eychenne, dans un rapport de la Fing (Fab Labs, Tour d’horizon) en parle comme « d’une plate-forme de prototypage rapide d’objets physiques, « intelligents » ou non » (p.7). C’est plus concrètement un atelier de création, fabrication numérique dans lequel on retrouve des machines à commande numérique (imprimante 3D, découpeuse laser, fraiseuse, etc.), des outils (petite électronique, fer à souder par exemple) et bien évidemment des ordinateurs, équipés de logiciels de CAO (création assistée par ordinateur).

Mais un fab lab, c’est aussi et surtout des valeurs. Pour Gershenfeld, le fab lab est « un lieu dans lequel s’expriment la créativité et le partage » (Eychenne, p.20), un endroit qui permet un apprentissage différent, qui veut revaloriser la culture du faire. Le travail en équipe est plus qu’encouragé, l’apprentissage par les pairs quasi inévitable et souhaité. Des réseaux intra fab lab et inter fab labs ont émergé. Quiconque vient utiliser un fab lab lors des journées ouvertes à tous est prié de documenter et déposer son projet sur le(s) réseau(x). Le partage est donc une notion importante. En effet, « un projet a plus de chance de réussir s’il est partagé avec les autres parce qu’il s’enrichit et s’améliore au contact de la communauté » (Eychenne, p.21).

Si les fab labs sont une belle expression du DIY (Do it yourself), ils appliquent également en leur sein le DIWO (Do it with others). Les fab labs peuvent exister sous différents modèles, privés, semi-privés ou publics, soutenus par une école, une collectivité locale, une société, et être ouverts à tous ou seulement pour des étudiants ou des entreprises. Si l’investissement de départ peut être relativement important (environ 100 000$, et avec un budget de fonctionnement mensuel de 5000 à 25 000$), il est tout à fait possible, et l’on voit fleurir sur la toile de nombreuses façons et propositions, de monter un fab lab avec un budget beaucoup plus modeste.

Montréal possède son propre fab lab, échoFab, répondant à la charte du MIT. Il se présente comme « un prototype d’atelier numérique communautaire de quartier » et est ouvert au grand public deux journées par semaine.

 

Tout ceci est bien beau me direz-vous, mais quel rapport avec les bibliothèques publiques ?

Si l’on en revient au concept de « tiers-lieu », la bibliothèque ne peut pas éternellement rester un espace d’emprunt et de consommation de l’information sous quelque forme qu’elle soit. Pour devenir ce troisième lieu après la maison et le travail, un lieu dans lequel on se sent bien, pour lequel on a un sentiment fort d’appartenance et qui nous permet de nous ancrer et de participer à la vie de notre communauté, la bibliothèque publique doit proposer de nouveaux espaces de partage, de communication, de création. Les fab labs semblent répondre à ces nouvelles préoccupations. Ils sont des lieux ouverts, prônant l’éducation et l’apprentissage (une littératie technologique et technique) et si les bibliothèques ont démocratisé l’accès au savoir, les fab labs ont « pour objet de démocratiser l’accès aux outils et machines pour permettre les inventions et les expressions personnelles » (Eychenne, p.49).

Plusieurs bibliothèques, pour la plupart aux Etats-Unis, ont ainsi expérimenté le concept du fab lab en leurs murs. Le plus célèbre reste à ce jour le Fab Lab de Fayetteville Free Library. Sa directrice, Susan Considine affirme que les bibliothèques sont là pour donner aux gens l’opportunité d’être ensemble pour apprendre, discuter, découvrir, tester, créer…Et c’est avec cette idée que le Fabulous Laboratory (bien que répondant aux critères du MIT, ce « fab lab » ne veut pas s’appeler ainsi pour se laisser la possibilité d’évoluer selon les exigences de la bibliothèque et les souhaits des usagers) a vu le jour. Lauren Britton Smedley, qui est l’instigatrice du projet, a beaucoup réfléchi à la forme qu’il pourrait prendre, à ce qui appartient à un espace comme celui-ci. C’est finalement un modèle hybride, qui est ouvert aux entrepreneurs. La bibliothèque est ainsi vue comme un centre d’échange de connaissances, ce qui correspond parfaitement aux fab labs et à l’importance qu’ils accordent au partage.

D’autres bibliothèques publiques proposent des espaces de création, des makerspaces (lieu de rassemblement d’une certaine communauté liée par des intérêts communs, où l’on se retrouve pour socialiser, échanger, élaborer des projets, partager et fabriquer). Ainsi la Maker Station de la Allen County Public Library est une sorte de fab lab installé dans une remorque située sur le stationnement de la bibliothèque. Avec l’idée que « anytime libraries come across an opportunity for people to learn and grow, they should do it », son directeur, Jeff Krull, a établi un partenariat avec TekVenture, une organisation sans but lucratif spécialisée dans la technologie et les makerspaces. L’organisation a fourni remorque et équipements, et la bibliothèque un emplacement pour le tout. La Maker Station est ouverte trois jours par semaine au grand public, le reste du temps elle est à la disposition d’entrepreneurs ou de particuliers.

On retrouve aussi des espaces de création numérique, montage de film, photographie, studio d’enregistrement, dans plusieurs bibliothèques aux Etats-Unis, parfois destinés aux jeunes et adolescents en particulier. C’est le cas du YOUmedia lab à la Chicago Public Library ou du Storylab de la Tacoma Public Library. Le Digital Media Lab de la Skokie Public Library, ouvert à tous les usagers de la bibliothèque, possède ordinateurs et équipements pour filmer, photographier, enregistrer. Certains matériels peuvent même être empruntés. I Street Press de la Sacramento Public Library propose des ateliers d’écriture, des informations sur la publication pour écrivains en herbe et permet même de publier ses œuvres grâce à une Espresso Book Machine ! Comme le résume cet article, « I Street Press turns readers of books into makers of books ».

Plus proche de nous, le Café de Da de la bibliothèque Ahuntsic a ouvert ses portes en 2011. Il propose rencontres et conférences, mais a initié en 2012 des ateliers de cinéma en direction des 16-25 ans pour leur permettre de réaliser, monter et projeter des films.

Tous ces exemples illustrent l’entrée des bibliothèques publiques dans l’ère de la culture du faire. N’en étant qu’à ses balbutiements, c’est toutefois une période de tâtonnements et de questionnements. Un fab lab a-t-il sa place dans les bibliothèques de Montréal ? Sous quelle forme ? Et pour quels publics ? Comment, après l’âge de l’accès et de la formation que définit Marie D. Martel, passe-t-on à celui qu’elle nomme l’âge de la participation ?

Parues en 2011, les nouvelles Lignes directrices pour les bibliothèques publiques du Québec, rappellent que ces dernières sont « étroitement liée[s] à la vie citoyenne » et qu’elles « contribue[nt] de façon significative au développement culturel, communautaire, social et économique des individus et des collectivités » (p.11). Parmi ses six valeurs principales, on retrouve l’approche participative, la créativité et le développement durable, trois valeurs qui, bien que non mises de l’avant de façon explicite, sont aussi celles des fab labs. Plus loin, les Lignes directrices rappellent que « les ressources technologiques font partie intégrante de l’offre de service de la bibliothèque publique » (p.37).

Lorsque l’on se penche sur la Politique de développement culturel de la ville de Montréal, 2005-2015, il est mentionné comme axes stratégiques pour les bibliothèques qu’il faut « renforcer [leur] utilisation comme outil d’intégration et de développement social » ainsi que leur rôle « comme milieux de vie ». Sans qu’il soit nommé, transparaît dans ces volontés, le concept de tiers-lieu. Pourtant, aucune action concrète n’est proposée pour faire de la bibliothèque publique cet espace particulier.

Les fab labs, de par leurs valeurs et leurs principes, pourraient être une des réponses pour entrer dans l’âge de la participation. Comme le souligne Eychenne, ils encouragent « la créativité individuelle car elle est porteuse de plus de conscience et responsabilité sociale » (p.9). On retrouve dans la charte des fab labs les termes accès, partager avec les autres utilisateurs, éducation, capitalisation des connaissances… La filiation avec les bibliothèques publiques apparaît de plus en plus évidente.

 

 Alors c’est décidé, installons un fab lab dans une bibliothèque !

Avant tout, il importe de se demander sous quelle forme nous voulons implanter ces nouveaux espaces et toutes leurs nouvelles fonctions dans la bibliothèque publique (un webinaire d’OCLC et du Library Journal indique un budget de 10 000 à 50 000$ pour monter un fab lab et un espace nécessaire d’environ 75 m2).

L’expression même de fab lab correspond à l’espace inventé par Neil Gershenfeld et reconnu par le MIT. Les bibliothèques publiques, bien que s’inspirant fortement de sa philosophie et de ses principes, ne sont cependant pas obligées de se conformer à tous les points de la charte. Sans doute, vont-elles devoir se pencher et réfléchir à quelle sorte de makerspace elles veulent pour leur communauté et leurs citoyens. On peut même imaginer que les bibliothèques publiques développeront leur propre homologation, répondant ainsi à leurs réels besoins.

Les fab labs possèdent des qualités « humaines » que les bibliothèques publiques vont sans doute pouvoir utiliser. On peut ainsi penser à un partenariat avec des écoles ou certains programmes particuliers, pour revaloriser le travail manuel, ce « faire » qui disparaît des écoles. Les enfants aiment naturellement bricoler (il n’est qu’à voir le succès des petits bricolages qui sont souvent proposés après l’heure du conte), ils sont certainement un public déjà acquis aux fab labs. Les adolescents, et ce n’est pas pour rien que plusieurs bibliothèques américaines ont développé des labs spécifiquement pour eux, sont aussi des usagers à privilégier dans cette entreprise, eux qui délaissent la bibliothèque publique à cet âge particulier de la vie… Plus globalement, le fab lab, un terrain neutre qui propose une littératie nouvelle, où tout le monde se retrouve un peu sur le même pied d’égalité et où chacun est encouragé à partager ses connaissances, pourrait être un lieu de mixité, de réconciliation sociale.

En venant à la bibliothèque pour fabriquer (comme on y vient pour lire), c’est un véritable moyen de s’approprier le lieu qui est proposé ici. En permettant aux usagers de créer, en favorisant l’émergence de projet individuel et communautaire, le fab lab leur offre par là-même la possibilité de s’épanouir personnellement et de faire rayonner la bibliothèque dans sa communauté.

 

Image : Marc-Olivier Ducharme, source : échoFab, licence : CC BY-NC-SA 2.5 CA

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