nov - 2016 23

Commencé il y a quelques mois puis mis de côté, le sujet de cet article a regagné toute sa pertinence et son intérêt en regard de l’actualité québécoise récente.

Fin octobre, nous apprenions que le téléphone de Patrick Lagacé, un des chroniqueurs star de La Presse, avait été mis sur écoute par le Service de Police de la ville de Montréal. Plusieurs journalistes auraient subi la même intrusion dans leur travail et leur vie privée.

Le 2 novembre dernier, Edward Snowden, le lanceur d’alerte américain le plus connu, donnait une vidéo-conférence à l’Université McGill. Il est revenu entre autres sur l’affaire Lagacé et sur l’importance de protéger sa vie privée numérique.

 

Il existe de multiples façons d’être un bibliothécaire engagé, et par le passé, de nombreuses figures de cette profession se sont illustrées (pensons par exemple à Éva Circé-Côté) dans la lutte pour l’éducation, l’accès à l’information pour tous. En ce sens, le métier de bibliothécaire n’a pas tellement changé. Bien que datant de 1994, la version actuelle du Manifeste de l’UNESCO sur la bibliothèque publique est encore abondamment citée. Et pour cause. Dans un monde où la production de l’information se multiplie à une vitesse qui n’a presque plus rien d’humain, dans un univers numérique omniprésent et où la fameuse fracture ne disparaît pas tant que ça (entre accès aux technologies et véritable compréhension de celles-ci), il est bon de rappeler que les missions de la bibliothèque publique, qui s’incarnaient dans le monde physique, doivent aussi se retrouver dans notre monde numérique :

  • soutenir à la fois l’auto-formation ainsi que l’enseignement conventionnel à tous les niveaux
  • assurer l’accès des citoyens aux informations de toutes catégories issues des collectivités locales
  • faciliter le développement des compétences de base pour utiliser l’information et l’informatique ;

Mais c’est surtout dans le premier paragraphe du Manifeste que l’on retrouve en filigrane les défis que vivent les bibliothèques et les bibliothécaires d’aujourd’hui :

La liberté, la prospérité et le développement de la société et des individus sont des valeurs humaines fondamentales. Elles ne peuvent s’acquérir que dans la mesure où les citoyens sont en possession des informations qui leur permettent d’exercer leurs droits démocratiques et de jouer un rôle actif dans la société. Une participation créatrice et le développement de la démocratie dépendent aussi bien d’une éducation satisfaisante que d’un accès libre et illimité à la connaissance, la pensée, la culture et l’information.

 

Et parmi ce flot d’informations, il y a toutes celles que nous produisons, en écrivant des courriels, en naviguant sur des sites, en nous identifiant, en marchant, en jouant, en cliquant sur J’aime. Des informations qui a priori nous appartiennent, sont privées, et qui sont pourtant collectées, analysées et revendues. Non, nous ne sommes pas tous surveillés par la NSA, mais la liberté et le respect de notre vie privée que nous exigeons et qui nous semble absolument normal dans le monde physique, ne se retrouvent pourtant pas tout à fait dans l’univers numérique.

 

Quelques petits rappels de la loi au Québec :

Charte des droits et libertés de la personne :

  • Toute personne a droit au respect de sa vie privée. (article 5)

Code civil du Québec :

  • Toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée. (article 35)
  • Peuvent être notamment considérés comme des atteintes à la vie privée d’une personne les actes suivants:
    • 1°  Pénétrer chez elle ou y prendre quoi que ce soit;
    • 2°  Intercepter ou utiliser volontairement une communication privée;
    • 3°  Capter ou utiliser son image ou sa voix lorsqu’elle se trouve dans des lieux privés;
    • 4°  Surveiller sa vie privée par quelque moyen que ce soit;
    • 5°  Utiliser son nom, son image, sa ressemblance ou sa voix à toute autre fin que l’information légitime du public;
    • 6°  Utiliser sa correspondance, ses manuscrits ou ses autres documents personnels. (article 36)

Ces deux documents officiels et constitutifs de notre société sont très clairs : le respect de la vie privée est un des droits fondamentaux des québécois, des humains.

 

Alors, sans tomber dans la paranoïa, que peut-on faire?

Je crois sincèrement que les bibliothèques publiques ont un rôle important, pour ne pas dire primordial, à jouer dans le domaine de la littératie numérique (rendre chaque citoyen actif, créatif et critique face au numérique). Cet accompagnement que les bibliothèques peuvent faire se joue sur différents points. L’un deux est la sensibilisation des citoyens aux concepts de vie privée et protection des données sur Internet. Il s’agit également de leur donner des outils pour protéger les informations qu’ils produisent.

Une des premières étapes sera peut-être de devoir répondre au scepticisme des usagers (ou de vos collègues). Vous trouverez réponses et arguments aux classiques « Je n’ai rien à cacher », « Je/Ma vie n’intéresse personne », « Ce n’est pas grave que l’on sache ce que j’ai mangé au déjeuner », et autres sur ces deux sites :

 

Et Edward Snowden le rappelait à McGill « Le droit à la vie privée, c’est le droit d’être soi-même »[1].

 

Il existe différents moyens de protéger votre vie privée sur Internet, principalement en utilisant les bons outils, navigateurs et autres produits issus du monde du libre.

Parlons moteurs de recherche. Qui n’utilise pas Google?  Et pourtant il en existe d’autres tout aussi efficaces (ou presque, soyons tout de même honnêtes) et bien plus respectueux de la vie privée. En haut de la liste : DuckDuckGo et Qwant (Qwant possède même une version pour les plus jeunes : Qwant Junior, qui propose une interface adaptée et filtre pour éliminer le plus possible les contenus non appropriés). Qwant a d’ailleurs passé un accord avec Mozilla cet été pour que le moteur de recherche soit disponible sur Firefox de façon intégrée.

Quelques liens à suivre, des pages à lire pour comprendre le monde numérique dans lequel nous évoluons aujourd’hui :

  • Protection de la vie privée en ligne et sur les réseaux sans fil : un site du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada qui a pour mission de protéger et de promouvoir le droit à la vie privée. On y trouve beaucoup d’informations sur la loi canadienne et des conseils concernant une foule d’aspects reliés à la vie privée, et plus particulièrement sur le numérique ici.
  • Dégooglisez votre entourage en quelques tutos-vidéos ! : Framasoft est un réseau d’éducation populaire, issu du monde éducatif, consacré principalement au logiciel libre. Un de leur projets phares s’intitule Dégooglisons Internet. Framasoft propose donc toutes sortes d’alternatives aux logiciels, programmes, sites que nous utilisons et qui ne sont pas respectueux de notre vie privée.
  • Library Freedom Project: ce projet américain est celui d’un partenariat entre bibliothécaires, avocats, informaticiens et défenseurs de la vie privée. Leur but est de sensibiliser à la surveillance et d’outiller les bibliothécaires pour y faire face, et par-delà les usagers des bibliothèques. L’organisme participe également à The Tor Project et propose un kit pour les bibliothèques qui souhaitent devenir des relais Tor.
  • 5 étapes pour commencer à protéger la vie privée des usagers : Thomas Fourmeux, assistant multimédia en bibliothèque et fortement engagé dans la défense des libertés numériques (suivre son blogue : http://biblionumericus.fr/), a repris des outils proposés par Alison Macrina du Library Freedom Project dans un article récent du Library Journal. Dans son dernier article, il propose d’autres trucs à appliquer dans notre vie personnelle et pourquoi pas, professionnelle aussi.
  • Compte-rendu du café vie privée du 18 juin : compte-rendu d’une rencontre de bibliothécaires parisiens et d’usagers autour de la protection de la vie privée en ligne. Présentation du formateur disponible et très intéressante.
  • Internet Citizen: blogue de Mozilla qui prodigue des conseils (en anglais) pour comprendre et protéger sa vie privée sur Internet.

Au Québec :

  • Crypto Québec : média numérique indépendant dont les sujets et les champs d’action tournent autour des enjeux de sécurité informatique, géopolitique, vie privée, technologie de l’information et renseignement.
  • SQIL : la Semaine québécoise de l’informatique libre. Évènement annuel autour de la culture du libre (logiciel, matériel, savoir) et des communs numériques. Organisée par FACIL.

 

Et n’oubliez pas : sur Internet, si c’est gratuit, c’est vous le produit.

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déc - 2011 15

Pierre Meunier

Combien d’entre vous avez commencé votre carrière à l’âge de 17 ans à la Ville de Montréal? C’est le cas de Pierre Meunier, conseiller aux ressources documentaires à la Division planification et développement des Bibliothèques de Montréal qui a pris sa retraite le 7 décembre dernier après 34 années de service bien remplies!

Vous pensez probablement que M. Meunier a fait des études en bibliothéconomie… et bien détrompez-vous, il est un des premiers bacheliers (1977) en biophysique au Québec et a fait des études complémentaires (niveau maîtrise) en génie biomédical à la Polytechnique. Après ce parcours académique, il a finalement décidé d’entreprendre des études à la maîtrise en bibliothéconomie afin d’approfondir cette passion qu’il entretenait. Par ailleurs, au début de sa carrière de bibliothécaire, il a complété des études en administration à l’École des Hautes Études Commerciales (HEC).

Pendant ses études, Pierre Meunier travaillait comme aide-bibliothécaire à temps partiel principalement à la Bibliothèque centrale de Montréal. C’est en 1980 qu’il a obtenu un poste de bibliothécaire à temps plein à la Ville. Un de ses premiers mandats fut de développer et de gérer le programme d’offre documentaire en langues d’origines de la Bibliothèque nationale du Canada dont Montréal était le centre dépositaire de la collection pour l’ensemble du Québec. En 1982, à la recherche d’un défi plus stimulant, il s’est joint à l’équipe de la Direction où il fut attaché de recherche à l’administration pour répondre aux enquêtes statistiques et développer le centre de documentation en bibliothéconomie. « Ce poste était très intéressant pour moi car il m’a permis d’être en contact avec le milieu documentaire du Québec, du Canada et des États-Unis » ajoute monsieur Meunier.

À la fin des années 1990, il s’est joint à la Division de l’expertise documentaire et a enfin obtenu en 1992, un poste de conseiller en ressources documentaires où il fut appelé à développer de nouvelles pratiques, à monter et à gérer certains projets comme le programme de soutien à l’alphabétisation et le développement de services destinés aux communautés culturelles. Deux années plus tard, l’équipe travaillant à l’informatisation du réseau des bibliothèques avait besoin d’un conseiller en information de gestion et la candidature de M. Meunier a été acceptée d’emblée. « J’avais dès lors un regard différent et complet sur le réseau des bibliothèques » explique-t-il.

En 1995, il a eu l’opportunité de faire partie de la délégation canadienne d’accueil des représentants de l’Organisation internationale de normalisation (ISO) qui se réunissent une fois par année. « Pour moi, c’était un défi intéressant et une occasion d’apprendre, par exemple, ce qui est commun entre l’Europe et nous » exprime le conseiller en ressources documentaires. Soulignons que toute au long de sa carrière, son implication au sein de plusieurs organismes lui a permis de créer un grand réseau de contacts et d’échanger avec des professionnels préoccupés par l’offre de services des bibliothèques.

Lors de la fusion municipale en 2002, Pierre Meunier s’est vu confier la responsabilité de l’information de gestion des bibliothèques. Il a procédé à l’analyse des normes existantes au Québec, au Canada, aux États-Unis et dans certains pays du nord de l’Europe pour conclure que le développement du réseau devait se baser sur une normalisation propre à Montréal. Cette réflexion a été soulevée dans le Diagnostic des bibliothèques en 2002-2004 et est devenue un des fondements du Plan de consolidation. Depuis 2003, M. Meunier assurait la présidence du comité des normes du réseau des bibliothèques.

À l’arrivée du programme de Rénovation, d’Agrandissement et de Construction de bibliothèques (Programme RAC), M. Meunier a travaillé au développement de nouvelles normes. Par exemple, comment prévoir des espaces de travail ou de lecture dans les bibliothèques? Quel espace doit-on envisager pour le rangement des collections? Selon l’expert, « aujourd’hui nous en sommes à la mise en œuvre des mesures de performance qui viennent boucler le modèle organisationnel que nous avons conçu ». C’est donc avec un sentiment d’accomplissement que Pierre Meunier nous quitte.

Après 34 années au service des Bibliothèques, il peut être fier de son parcours professionnel autant à la Ville de Montréal qu’auprès d’associations du milieu documentaire. Il compte d’ailleurs continuer son engagement au sein de l’ISO, comme quoi sa passion pour le développement des services des bibliothèques ne se terminera certainement pas avec la retraite! « Mais je vais penser davantage à moi. Je vais passer plus de temps avec ma famille et me consacrer à d’autres projets! » conclut Pierre Meunier.

Pierre Meunier, plusieurs fois président, délégué et conférencier :

  • 1987 : âgé de seulement 30 ans, il devient le plus jeune président de la Corporation des bibliothécaires professionnels du Québec.
  • 1990 : conférence à Villeurbanne (banlieue de Lyon) sur le programme de soutien à l’alphabétisation.
  • 1995 à 2010 : plusieurs fois délégué du Canada auprès du Groupe d’experts de l’ISO relatif à la norme sur les indicateurs de performance des bibliothèques, sur les statistiques internationales, sur les indicateurs d’espaces et mesures de qualité en regard de la construction et la rénovation des bibliothèques, les mesures d’impact des services.
  • 1997 : président de l’Association pour l’avancement des sciences et des techniques de la documentation  (ASTED).
  • 2001 à 2009 : membre du Standing committee de la Section des statistiques et de l’évaluation de l’International Federation of Library Associations (IFLA).
  • 2004 : première conférence internationale sur les indicateurs statistiques et normatifs spécifiques aux  bibliothèques publiques dans le cadre d’un congrès de l’IFLA à Buenos Aires.
  • 2005 : conférence plénière avec Louise Guillemette-Labory, Directrice de la Direction associée – Bibliothèques  sur l’utilisation de normes  et de mesures de performance en vue de la planification stratégique des services à une conférence satellite du congrès  de l’IFLA à Bergen en Norvège.
  • 2007 : conférence satellite à la Northumbria conference sur les tableaux de bord et  mesures de performance dans le cadre du congrès de l’IFLA à Cape Town, Afrique du Sud.
  • 2008 : Co-président du Comité organisateur de la conférence internationale sur les Global Statistics (projet mené en partenariat par l’ISO, l’IFLA et l’UNESCO) et conférence satellite sur les tableaux de bord, les mesures de performance et la normalisation en regard du Plan de consolidation des Bibliothèques de Montréal.<

Ce texte est reproduit sur Espace B après une première diffusion interne dans le bulletin de nouvelles de la Direction de la culture et du patrimoine.

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jan - 2010 22

Photo présentant une portion d'un soulier de course »
S’il y a bien une tendance qui tend à se renforcer ces derniers temps
sur la plateforme sociale, c’est que les consommateurs ont désormais le réflexe d’y retrouver leurs organismes préférés. »

Et, on a le choix, la diversité des organismes présents sur Twitter, pour ne nommer que celui-là, est vaste comme la mer. Par exemple, l’Hôpital de Montréal pour enfants y a un compte et s’investit comme tous les autres dans ce travail de création de communauté. Et je suis fait partie de ceux et celles qui suivent l’Hôpital de Montréal pour enfants comme je suis aussi bien d’autres acteurs qui composent l’ambiance de cette ville sur ce canal.

Évidemment, je ne suis pas la seule follower de l’hôpital, une bibliothécaire de Concordia fait aussi partie du cortège, @canucklibrarian, ce qui lui a permis de saisir au vol un tweet en forme d’invitation lancé par cet organisme pour le Demi-marathon de Montréal. C’est que le Demi-marathon de Montréal propose une course à dimension humaine de 5 km à laquelle on peut participer pour le plaisir ou pour une cause parmi  les 26 qui sont proposées. Jennifer (CanuckLibrarian), qui a d’abord intercepté l’appel de l’hôpital de Montréal pour enfants, a décidé de mettre ses running shoes pour contribuer à amasser des fonds pour son projet de construction, comme elle le raconte sur son blogue.

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mai - 2009 29

web-50Monique Khouzam Gendron vient de prendre sa retraite. Femme de coeur, rassembleuse, d’une grande humanité, organisatrice hors pair, respectueuse et délicate, nous allons tous la regretter. Lorsque quelqu’un qui a donné autant quitte, il faut prendre le temps de lui demander comment est le chemin et en garder une trace pour ceux qui suivent. J’ai posé quelques questions à cette grande dame pour qu’il y ait un récit de son expérience, une transmission de sa richesse d’être et de son savoir et, qui l’écrira un jour ?, une mémoire  de ces gens qui ont bâti la bibliothèque publique de Montréal. Je la remercie d’avoir partagé ceci avec nous.

Qu’est-ce qui vous a conduit à cette profession ?

Quand j’étais petite et je faisais à l’occasion des mauvais coups, on m’envoyait au bureau de la directrice générale du Pensionnat du Sacré-Cœur pour y mettre de l’ordre et dépoussiérer sa bibliothèque. J’aimais ce contact avec les livres et j’étais impressionnée de la grande culture de la directrice à un tel point que je refaisais à nouveau des mauvais coups pour m’y retrouver. Ne me demandez pas quel genre de mauvais coups, car je ne m’en souviens plus.  La seule chose dont je me souviens, c’est que lorsque la révérende Mère revenait à son bureau et demandait : « Mademoiselle Mona, il n’y a rien de brisé ». Je lui répondais toujours…« Pas encore, ma Mère… ».

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